Aluminium, impressions sur verre, bois, 50 x 96 x 138 cm
Conception de la serre : Julien Eveille
Œuvre réalisée avec le soutien de la Drac Champagne-Ardenne
Vues de l’exposition Mehr Licht, Espace À Vendre, Nice, 2012 |
Dead Souls 2012
Aluminum, prints on glass, wood, 50 x 96 x 138 cm, 2012
Design : Julien Eveille. Work realized with the support of the Drac Champagne-Ardenne. |
J'ai réalisé Les Âmes mortes au moment où trois anecdotes se présentant simultanément à moi en 2011 :
- En visionnant un documentaire sur la Guerre de Sécession, j'ai appris que les négatifs au collodion humide des images réalisées durant ce conflit n'ont, une fois celui-ci terminé, pas été conservés pour la plupart : plus personne ne voulait se remémorer en images l'un des moments les plus difficiles de l'histoire de la civilisation américaine, qui est également l'un des premiers à avoir été largement couvert et médiatisé par la photographie. Pour limiter les dégâts de leur faillite , des photographes tels de Mathew Brady revendaient leur négatifs au poids, pour la qualité de leur verre. Aussi, il n'était pas rare de croiser, au détour d'une serre ou d'un jardin d'hiver, un carreau recouvert d'un négatif, voué à disparaître, dévoré par le soleil et abîmé par les intempéries.
- Au même moment, j'ai découvert l'existence de Charles Jones, un jardinier anglais qui cultivait une passion secrète pour la photographie au XIXe siècle. Ayant des revenus modestes, il utilisait les plaques de verre des jardins qu'il entretenait en guise de négatifs, pour photographier fruits, légumes et plantes avec un talent certain pour la composition. Une fois ses photographies tirées, il nettoyait ses plaques, soit pour renouveller sa réserve de verres à insoler, soit pour recarreler les serres. Il n'a jamais cherché à exposer de son vivant. Ses tirages ont été découverts par hasard par l'historien de la photographie Sean Sexton, dans une malle vendue au marché au puces de Londres en 1981. Il s'est empressé de les publier.
- À cette époque, je me documentais sur la crise dite de la "Tulipomanie", qui toucha les Pays-bas au XVIIe siècle. Cette crise, qualifiée par certains historiens de « première bulle spéculative » de l’histoire, s’est caractérisée par l’augmentation démesurée puis l’effondrement des cours de l’oignon de tulipe. Au plus fort de la tulipomanie, en février 1637, des promesses de vente pour certains bulbes se négociaient pour un montant égal à vingt fois le salaire annuel d’un artisan spécialisé, et valaient largement plus cher qu’une toile de Rembrandt.
Ces faits historiques traitant de formes distinctes de crise (monétaire, militaire), de disparition (économique, iconographique), et de culture (botanique et patrimoniale), j'ai décidé de réaliser une œuvre qui puisse les relier. Elle a pris la forme d'une maquette de serre carrelée de négatifs de bulbes de tulipes.
En botanique, le terme de «dormance» désigne la période de repos des tulipes. Les fleurs et tiges disparaissent, la vie de chaque plant étant concentrée de façon latente au sein des bulbes jusqu’à la levée de la dormance. La tulipe peut alors croître et fleurir à nouveau. Le projet Les âmes mortes se calque sur ce cycle, à l’image des photographies de Jones ou de Brady qui ont disparu pour mieux ressurgir, ou des tulipes qui ont failli causer la perte d’un pays pour en devenir ensuite l’emblème. |