Karim GHELLOUSSI 

Sans titre (Au désert j’ai dû me rendre) 2013


« Il me fallut prendre le chemin d’un retour. Revenir à une origine. De ceux qui aboient après les hommes, je n’étais pas. Et contre la meute on ne peut rien. Elle vous condamne sans sommation. « Musulman tu as été, musulman tu es ! » Ainsi elle me nomma. De ce nom seul, du « Musulman », je devais répondre.
« Musulman » on veut de moi, « Musulman » je suis ! On me joua ce tour. Pourquoi ?
Pourquoi donc me vouloir telle qu’on me veut, soumise à un Dieu ? Pour ne pas t’en échapper, beuglait la meute.
Moi, je pensais Dieu comme on pense un protocole, un accord entre les hommes. Mais les bruyants sans peur me barrèrent la route. Et « mon » Dieu, c’est à point qu’ils me le firent tomber du ciel. Le voilà comme preuve !
À Dieu, la meute m’avait rivée. À lui, je devais être.
Au « Musulman » j’étais affectée. Au désert j’ai dû me rendre.
J’y suis allée.
J’y ai marché.
Des hommes en guerre m’y ont rattrapée.
Que faites-vous ici ? m’ont-ils demandé. Vous avez un pays ? Oui, mais dans ce pays je n’ai pas pu rester.
Depuis, dans ce camp, j’attends.
Je rends grâce à la meute de m’y avoir obligée. Du « Musulman », de ce Nom, de sa fabrique, j’ai beaucoup appris.
Si à l’injonction, à l’assignation qui m’est faite, je réponds, « Musulman », je suis ! J’étouffe. C’est au silence qu’on me condamne. »
Zahia Rahmani, Musulman, roman, éditions Sabine Wespieser, 2005.
 
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