Karim GHELLOUSSI 

C’est curieux comme l’une des réflexions de Karim Ghelloussi sur sa pratique de sculpture semble condenser, d’une certaine façon, le credo de la Villa Arson, école dont il est issu : «Considérant que c’est la forme qui toujours génère du sens, et non l’inverse, posons, en un second mouvement, la représentation comme mode de médiation». Son travail s’intéresse alors aux formes sans être formaliste, mais ne répudie pas un intérêt pour le décoratif, perpétuel repoussoir de l’art moderne mais zone mutante de l’histoire du goût. A cela, se rajoute un goût pervers à infiltrer le faux débat entre le toc et «l’authentique», essayant de déstabiliser les frontières entre l’incohérence d’une brocante et l’industrie du design. Plutôt que de placer l’objet d’art dans une sphère étanche aux tensions propres à l’ensemble de la culture visuelle, il peut s’intéresser aussi bien à la projection d’un idéal de «nature» dans le style rustique qu’à la temporalité éphémère du goût induite par la catégorie du kitsch.  Bien au-delà, cependant, d’une démarche analytique, Karim Ghelloussi peut laisser transparaître un personnage de «collectionneur lyrique», «reproducteur d’auras défuntes» selon la lecture de Joseph Mouton. Qu’il s’agisse de son usage agressif des couleurs, de la persistance de certains éléments de décoration et surtout des titres (dont ce Lotta Continua, du nom du mouvement contestataire des étudiants italiens des années 60, associant deux formes de romantisme qu’on imagine opposées, le kitsch décoratif et les lendemains qui chantent), Karim Ghelloussi mélange le chaud, le froid, l’élégance déguisée, le «neutre» et le personnel.

Pedro Morais

Mécènes du sud n°18


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