CONCEPT :
Notre idée est de concevoir un procédé qui s'inscrirait entre deux états : celui qui précède la destruction, l'état ancien, et celui qui la suit, l'état nouveau caractérisé par la construction du projet qui prend place sur la site de la tour. Notre expérience permettrait de faire le lien entre ces deux états. Elle serait éphémère, elle permettrait de passer d'un état à l'autre progressivement, puis disparaitrait pour laisser place à l'état nouveau. Notre expérience s'apparenterait à un deuil, le deuil de la Tour de Cyprès, le deuil de l'architecture.
L'idée serait de proposer un procédé qui renverrait à un élément caractéristique de la tour, qui perdurait après la destruction, comme une présence à peine perceptible, comme un fantôme. Cette présence serait forte après l'explosion puis progressivement disparaitrait, laissant à chacun le temps de faire son deuil, de s'accoutumer au manque, au vide laissé par la destruction.
DEUIL : Le deuil est une réaction et un sentiment de tristesse éprouvée suite à la mort d'un proche. Souvent associé à la souffrance, le deuil est aussi considéré comme un processus nécessaire de délivrance, nommé résilience. Lorsqu'un événement provoque une crise dans la vie d'un individu, un changement radical est opéré dans la situation établie jusqu'alors. Le deuil est une réaction personnelle et collective qui peut varier en fonction des sentiments et des contextes. Cette réaction commence par le déni et se termine par une acceptation plus ou moins libérée du sentiment d'attachement qu'éprouvait l'endeuillé.
Idées d'expériences :
- A l'emplacement de la tour détruite concevoir un système de souffle, qui progressivement diminuerait. Comme le dernier souffle de vie de la tour, le souffle de l'explosion...
- un son qui se propagerait et lentement s'atténuerait. Le son pourrait être celui de l'intérieur des habitations. La durée du deuil serait induite par la durée de la batterie. Les habitants pourraient réalimenter la batterie s'ils n'ont pas réalisé complètement leur deuil.
- une ombre, une couleur, une lumière, comme une présence encore perceptible qui disparaîtrait lentement avec l'usure du temps.
- un élément qui fond ou qui se consume. La bougie pourrait renvoyer au rituel de deuil, quelque chose de quasi universel et en même temps de très différent selon les cultures.
RÉFÉRENCES
Le travail de références nous a permis d'analyser les différentes images du fantôme et le rapport des artistes au deuil.
photographie de la médium Eva C, ALBERT VON SCHRENCK-NOTZING, 1912
Ce photographe s'intéresse aux phénomènes paranormaux. Il souhaite divulguer ce que l’œil ne saisit pas. Le fantôme est ici vu comme une lueur, imperceptible par l’œil humain, mais qui apparait grâce à la technologie de la photographie.
"Maintenant jouons à disparaître"
Cette œuvre se compose d’une centaine de bougies sculptées à l’effigie de divers bâtiments emblématiques de grandes villes du monde. Présentée dans l’église des Blancs-Manteaux, l’oeuvre joue avec les codes du rituel religieux. Sur un écran est projetée la vidéo en temps réel de cette ville qui se consume lentement. Cette œuvre nous a intéressé par le fait qu'elle touche à l'architecture et également à thème du rituel mortuaire. La destruction d'un édifice est ici vu en lien avec les codes du rituel religieux qui prend place au moment d'un décès. Cette œuvre rattache la mort d'un édifice à la mort d'une personne. C'est en ça qu'elle nous intéresse.
"Mourning Piece", KAREN FRIMKESS WOLFF, 1977
Panneaux de gypse blanc sur un cadre en bois, adossé au mur d'une salle blanche. Une voix se déplace à travers les panneaux de gauche à droite. Elle dit: trouvé - réunis - ramassé - abandonné - remettre - perdu - annuler - deuil. Quand la voix atteint le dernier panneau sur la droite, elle revient au premier panneau sur la gauche et répète encore et encore tant que le spectateur reste dans la salle.
Cette oeuvre raconte le deuil vu par cette artiste. Il y a également l'utilisation du son, procédé qui nous intéresse. Le deuil est ici traduit par des mots.
"Gue(ho)st house", BERDAGUER & PÉJUS,
A l’arrière du Centre d’Art, ils proposent une sculpture à l’échelle d’un bâtiment existant, qui fut successivement une prison, puis une chambre funéraire. Les artistes jouent de l’archéologie du bâtiment et de ses fantômes, pour créer une fantasmagorie architecturale : intégralement recouverte d'un voile blanc, la maison d’origine se dilate au sens propre et coule sur ses marges, sorte de remontée du fantôme du bâtiment.
Nous avons également relevé cette œuvre car elle présente une image du fantôme quasi littérale : une forme blanche, ondulante.
"The measurement of mourning", WUN TING WENDY TAI, 2011
Tranformer la douleur, la passer d'un état statique à un état fluide
Gouttes de colorant jaune dans la poêle à intervalles réguliers. Le colorant se répand au fil du temps, devenant finalement un ambre profond. L’œuvre change en fonction de l'heure du jour et de la météo.
Cette oeuvre expose la mesure du deuil. Chaque goutte peut exprimer le temps qui passe. Une fois l'entonnoir vidé, on peut supposer que le deuil c'est réalisé. Cette œuvre illustre une certaine image du deuil, c'est en ça qu'elle nous intéresse.
Citations
" L'objet que je me suis principalement assigné est de tourmenter le monde plutôt que le divertir " Jonathan Swift, lettre à Alexender Pope, 1725
" Pour moi, l'érotisme doit être toujours laid, l'esthétique divine et la mort belle " Piet Mondrian
AVANCEE DU PROJET :
Nous avons deux choix de travail : l'allongement de la vie de la tour ou la commémoration de son absence. Le premier choix consiste à nier la démolition, et faire comme si la tour était encore présente, comme si son âme hantait les lieux. En ce qui concerne le second choix, il s'agirait de passer du traumatisme de la démolition à l'accompagnement vers le renouveau. Dans les deux cas l'expérience serait une métaphore du temps de la disparition ainsi rallongé.
Nous avons fait le choix de la présence perceptible de la tour après démolition. Nous l'appréhendons comme une présence fantomatique. Pour créer ce fantôme nous avons besoin d'une énergie, celle-ci proviendrait de la récupération de l'énergie produite lors de la démolition de la tour. Il nous faut donc trouver un procédé de captation de cette énergie. Cette énergie sera ensuite stockée dans un système de batterie. Celle-ci sera reliée à un émetteur de son. La batterie alimentera cette machine jusqu'à ce qu'il n'y est plus d'énergie. Ce moment marque la fin véritable de la tour, il n'y a plus d'énergie pour nourrir le fantôme, il s'éteint alors et disparait.
1 - COMMENT CAPTER L'ÉNERGIE PRODUITE LORS DE LA DÉMOLITION ?
Nous avons eu l'idée d'utiliser le dispositif d'une éolienne. C'est un dispositif qui transforme l'énergie cinétique du vent en énergie mécanique. Le plus souvent cette énergie est elle-même transformée en énergie électrique. L'hélice, appelée le rotor, composé de plusieurs pales (en général trois) est entraîné par l'énergie du vent, il est branché directement ou indirectement (via un multiplicateur de vitesse à engrenages) au système mécanique qui utilisera l'énergie recueillie (pompe, générateur électrique...). L'énergie récupérable est inférieure à l'énergie cinétique de l'air situé en amont de l'éolienne, puisque l'air doit conserver une énergie cinétique résiduelle pour qu'il subsiste un écoulement. Albert Betz a démontré que la puissance maximale récupérable est égale aux 16/27 de la puissance incidente. La puissance maximale théorique d'une éolienne est ainsi fixée à : Pmax = 0,37 . S . V3 P est exprimé en watts (W) S est la surface balayée par les pales exprimée en mètres carrés (m2) (disque ou anneau dans le cas d'une éolienne à axe horizontal) V est la vitesse du vent en mètres par seconde (m/s)
La vitesse de vent minimale pour atteindre cette puissance maximale est de l'ordre de 15 m/s, soit environ 55 km/h. les éoliennes sont utilisables quand la vitesse du vent est supérieure à une valeur comprise entre 10 et 20 km/h, sans toutefois atteindre des valeurs excessives (supérieures à 90 km/h) qui conduiraient à la destruction de l'éolienne. De même, l'axe de rotation de l'éolienne doit rester la majeure partie du temps parallèle à la direction du vent. Certains sites bien spécifiques augmentent la vitesse du vent et sont donc plus propices à une installation éolienne --> L'accélération par effet géométrique : lorsque l'air s'engouffre entre deux obstacles comme deux montagnes ou deux grands bâtiments, il est accéléré.
il existe des éoliennes urbaines de plus petites dimensions :
Éolienne urbaine de 2 m de diamètre, puissance 1,75 kW à 14 m/s, Saint-Sébastien (Espagne), 2010. Spécialement développée pour obtenir un très faible niveau sonore. Hauteur du mât : 5,5 m, vitesse de démarrage : 2,5 m/s, durée de vie : 20 ans, conforme au code de l'urbanisme espagnol.
2 - QUEL SON UTILISÉ POUR ÉVOQUER LE FANTÔME DE LA TOUR ?
Court métrage de David Lynch datant de 1968.
Il présente une jeune fille qui pourrait s'apparenter à un fantôme. Dans cette vidéo, bien que l'image soit pertinente, c'est davantage le son qui nous intéresse. Il surgit par moment comme un cri, surprend, grince...Le son semble humain. http://www.youtube.com/watch?v=6o2wQ6LtluQ
3 - UN LIEN POSSIBLE AVEC LA SOCIOLOGIE ?
" La fragmentation urbaine, sorte de spectre qui plane sur les villes du monde..." (Marcuse et Van Kempen, 2000, p3)
"La définition la plus générale de la fragmentation urbaine est la dé-solidarisation de la ville, la disparition d'un système de fonctionnement, de régulation et de représentation à l'échelle métropolitaine. Les symptômes de cette "maladie" de la ville : la crise des espaces publics comme lieux de coexistence et de mise en scène des différences, les replis sur des espaces socialement et/ou ethniquement homogènes (...) La fragmentation se distingue de la ségrégation (qui sépare les groupes citadins mais n'empêche pas que tous soient englobés dans un même système urbain." (E. Dorier-Apprill et P. Gervais-Lambony, Vies citadines, p16)
4 - SUITE : COMMENT CAPTER L'ÉNERGIE PRODUITE LORS DE LA DÉMOLITION ?
Grâce à un ballon situé au rdc de la tour. Lors de la démolition l'air contenu dans le ballon s'échappe par un conduit. Un sifflet est placé à l'extrémité du conduit : un son sort lorsque le ballon se vide, c'est à dire lorsque la tour est détruite. Le système est instantané mais rapide...
Peut être reprendre un graphisme type Archigram, dans l'idée de machinerie folle...
Vidéo explicative :
http://www.youtube.com/watch?v=-2InQeLU4hk&feature=youtu.be
Recherche sur le son, réalisé avec un ballon : http://www.youtube.com/watch?v=OljxSKY9XL0&feature=youtu.be
http://www.youtube.com/watch?v=Y4KLXjXUGKg&feature=youtu.be
http://www.youtube.com/watch?v=n419-uKGcdk&feature=youtu.be
EVOLUTION DU PROJET :
Nous avons fait le choix de supprimer l'étape de capter directement l'énergie produite lors de la chute de la tour. Nos recherches et solutions ne nous satisfaisaient pas. Notre projet s'oriente plus vers l'idée d'utiliser la valeur de l'énergie et non le fait de la capter directement lors de la démolition. Notre toute première idée était de vouloir allonger la vie de la tour. Cela passerait par la création de son fantôme. Progressivement nous avons fait le choix de proposer un fantôme qui apparaitrait sous forme sonore, un fantôme immatériel, qui viendrait chuchoter à notre oreille....Créer une non-matière, quelque chose d'impalpable, d'informel. Comme une voix venue de l'au délà, qui nous intrigue, nous fait réfléchir. Ce fantôme est également éphèmère. Nous voulons proposer un fantôme qui utiliserait la dernière énergie de la tour pour apparaitre et perdurerait pendant un temps. Une fois l'énergie consommée, il partirait.
Nous souhaitons utiliser le son de la démolition pour matérialiser le fantôme, ce sont serait ralentis. Voici un essai : http://www.youtube.com/watch?v=rSWv0OSvqic&feature=youtu.be Ce son, semble venu d'ailleurs, de l'au dela, d'un monde inconnu. Nous trouvons qu'il a une dimension spectrale.
maintenant, il nous faut déterminer le médium qui permettrait de diffuser ce son. Comme notre fantôme est sonore, il correspond à une onde. Nous nous sommes alors dit, pourquoi ne pas utiliser une fréquence radio qui diffuserait le son pendant le temps défini par l'énergie produite par la tour. La fréquence radio serait propre à ce son, il ne s'y passerait rien d'autre.Ce médium apporte un côté privilégié pour les gens qui tomberont sur la fréquence, ce qui mystifie ce son, et par là la mort de la tour. Une fois l'énergie utilisée, le son s'arrête mais cela ne veut pas dire que l'onde disparait. En effet une onde s'étend toujours, elle perture. Elle continue à évoluer, peut être part-elle ailleurs, offrir une nouvelle vie à la tour...
