EART NOSOCOMIAL
par David Zerbib
Dans un hôpital désaffecté de Marseille, un homme à masque de cochon, montrant un visage impassible et désaffecté comme l’espace qu’il investit, mais éprouvant un corps hyper actif, aux gestes impatients, explore l’espace abandonné. Il est seul à l’image. Il pénètre les salles, arpente les couloirs, semble chercher quelque chose avec détermination. Il paraît inspecter les traces de l’activité médicale qui s’est exercée ici, ramasse des documents, les touche et les regarde, puis les abandonne ; semble collectionner les objets, les outils, puis les pose ou les jette. Il manipule, touche, caresse, murs, portes, angles, tuyaux, débris, archives, arrache un papier-peint de salle d’attente, s’assoie, se lève, tire un fil, garde le fil, le traîne, le laisse. Grimpe, rampe, saute pour attraper, monte les escaliers. Découvre des mannequins destinés à enseigner les gestes du secourisme où à localiser les entrailles. Il s’assoit avec eux, corps sans recours. Attend. Souffle, et part. Se salit, transpire, s’épuise, ne s’arrête pas. S’infiltre dans un trou du mur, force une porte, referme une porte. Accumule, délaisse, les choses. Accumule, délaisse, les gestes. Pénètre dans la Chapelle, fait le tour de l’autel, sorte de table d’opération, gratte, sacrifie quelques morceaux du décor. A mesure qu’il se fatigue tout mobile supposé d’investigation perd consistance : il ne cherche pas d’objet, il ne raconte rien. Il prend la mesure de l’espace et le charge de toute sa dynamique physique et pratique. Mais de quelle pratique s’agit-il ? Celle d’un Fortino-boyard dans l’épreuve plastique de l’hôtel-Dieu devenu squat expérimental de quelques heures ? Disons, celle d’un praticien d’examen sans objet, celle de la traversée microbienne, nosocomiale, du corps actif dans l’espace mort. Corps étranger, d’homme-animal mythique ou de gangster à postiche, qui inspecte l’espace, l’infecte mais en même temps le réaffecte. Car l’intrusion ranime par moment la charge historique et biologique du lieu. Pendant ce temps, à travers le masque, l’espace intérieur, celui de la subjectivité, paraît se vider. Dépersonnalisé, l’artiste opère sans autre projet que celui de répondre, immédiatement, à l’espace, à la matière, aux choses, à la situation créée par sa présence en ce lieu qui ne l’attendait pas.
|