Lucio FANTI 

La collaboration avec Lucio Fante a eu pour cadre des pièces très diverses. La moitié du texte d’Eugène O’Neill, le Singe Velu, est constituée d’indications concernant le décor alors que le Phèdre de Racine se joue dans un espace unique et sans accessoires ; Othello de Verdi est une tragédie et Falstaff une comédie. Mais Lucio est arrivé à s’approprier chaque structure, même si c’est sans doute le minimalisme et l’austérité de Racine qui lui auront posé le plus de problèmes.
L’impression visuelle créée par ces quatre travaux est époustouflante, car le réalisme scénique et l’abstraction y sont intimement liés, le meilleur exemple étant le grand chêne de Herne, à la fin du Falstaff. La curiosité de Lucio, qui le pousse à sortir des sentiers battus, lui a permis de travailler avec quelqu’un comme moi, qui s’immisce toujours beaucoup dans la préparation du décor, car j’ai besoin d’éléments très précis pour la réalisation de la scénographie. Il a certainement dû se sentir parfois gêné et j’ai toujours eu mauvaise conscience à obliger les peintres à respecter des consignes trop strictes. Mais Lucio a finalement réussi, en particulier lors des deux travaux réalisés pour la Schaubühne, à aboutir à des œuvres qui par leur complexité se différencient de tout ce qu’il a pu créer par ailleurs.
Le travail le plus palpitant a certainement eu lieu sur «le Singe Velu», où les possibilités techniques et financières dont je disposais m’ont permis d’être fidèle aux idées de Lucio. Il s’agissait de huit tableaux scéniques imbriqués l’un dans l’autre, et dont l’effet mettait en valeur l’expressionnisme de l’auteur, mais parvenait aussi en même temps à imposer une esthétique très moderne. Encore aujourd’hui en Angleterre, on admire ces tableaux et d’un point de vue plastique, j’estime que c’est le travail le plus intéressant auquel il m’a été donné de prendre part.

Peter Stein

Fermer la fenêtre / Close window