Pierre-Laurent CASSIÈRE 

Sonoscape 2008
Sonogramme et texte manuscrit
Tirage lambda plexicollé sur aluminium, 56 x 140 cm, éd. 3


... seul jusqu’à l’horizon.
Tout est calme.
Aucun vent, peu de courant ;
le voilier à la cape ne dérive plus.
Rien à faire.
Attendre et se laisser bercer par les vagues molles, ondes timides poussant discrètement la coque.
Le bruit des hommes est loin.
Enfin.

Là-haut les drisses oscillent mollement le long du mât sans jamais le toucher. Pas d’étoiles, le ciel doit être couvert. Pourtant la lune tremble étrangement, reflet d’elle-même derrière l’humidité. Sa pâle lumière frôle la surface de l’eau sous la brume nocturne. Un calme sombre et plus rien à entendre. Plus aucun de ces bruits oppressants qui vous écrasent la gueule. Comme sortant d’un tunnel en roulant trop vite, les tympans s’apaisent, l’air devient léger, le temps s’arrête, la tête se vide.

Je repense à l’absurdité inouïe du bruit d’hier et rêve du silence de demain. Ce silence est déjà là et l’oreille au repos ne perçoit plus rien; plus rien si ce n’est mon propre souffle. Des faibles mouvements qui m’entourent, aucun ne se fait entendre. Tout est calme. Tout se repose, sauf peut-être… mais oui, il y a bien… c’est quoi? une basse fréquence… comme un étrange bourdon… qui sonne, qui résonne sous moi. Je n’arrive pas à savoir si c’est fort mais… argh! maintenant que je l’entends ça me prend toute la tête. Depuis quand c’est là? La pompe de cale qui tourne? Sûrement, pourtant… et puis j’ai chaud, tellement chaud que…
J’ouvre un oeil.
X C V B N ?

La tempe dans le clavier et le visage en sueur. La bave sur le trackpad, et toujours ce maudit bourdon dans la tête. C’est ce putain de disque dur qui tourne encore, brûlant. Je me redresse, face à l’écran. Toujours la même vue ; une fenêtre ouverte sur l’analyse spectrale d’un peu moins de trois millisecondes d’une phonographie en cours d’édition. Merde! La bande son est attendue aujourd’hui et cet enregistrement est encore plein de défauts. Un pauvre sonogramme de trois millisecondes, même pas le temps d’un silence! Rien à écouter, et je ne sais pas depuis quand je suis coincé dedans. 4h27 du mat’, faut se remettre au travail ou ça ne sera jamais prêt à temps.

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