Anna BYSKOV 

Walk on the public site 2016
Performance, Genève (Suisse)
Commissaires : Marie-Eve Knoerle, Madeleine Amsler
© Emmanuelle Bayart


Dans un site au bord du Rhône, passage sous un pont avec une trouée vers l’eau et l’horizon en arrière plan, la performance d’Anna Byskov se déroule en plusieurs chapitres, elle reconstitue une ambiance à la fois nostalgique et festive. Une envolée de paillettes en guise de prélude, l’artiste souffle une poussière presque cinématographique pour entrer dans la narration. Des tissus multicolores et multiethniques, organisés en patchwork sur le sol, sont ensuite prélevés un à un pour esquisser un abri, un semblant de cabane d’enfant, augmentée d’une guirlande de guinguette. La performance utilise la configuration du site, deux petits espaces surplombants, « scéniques » dont un triangle herbeux qui accueille la construction éphémère. La couverture du pont offre une réflexion acoustique à l’instrument médiéval, une vielle à roue, joué par l’artiste sonore Yvan Etienne, un fond sonore de même qu’un geste rotatif qui accentuent la ritournelle des souvenirs.
Il s’agit en effet d’un voyage dans la temps, explicité au moment où l’artiste se place devant le micro et scande une poésie dont le récit est tout à la fois authentique et fictif. Elle énumère des lieux disparus, les personnalités qui ont marqué la culture alternative genevoise. L’artiste a grandi à Genève et de retour après une absence de quinze années, elle superpose ses souvenirs à l’existant, emmène le spectateur dans une promenade imagée de Meyrin à Carouge en passant par plusieurs lieux dont l’incontournable Rhino, emblématique de la culture squat, disparu en 2007.
Le langage, les sens et contresens des mots, prennent une grande importance dans le travail performatif d’Anna Byskov, qui est elle-même tiraillée entre les cultures danoise, anglaise et suisse. Les différentes prononciations, les rythmes propres à chaque langue donnent le ton de ses récits et mènent souvent vers l’absurde. Elle incarne une typologie de personnages hybrides, inspirés de contes, d’animaux, qui poursuivent une « quête de persévérance » vouée à l’échec ; elle pose un regard âpre sur les codes sociaux.
Dans Slow dance away, elle est le véhicule de ses propres souvenirs, mis en scène. Après le chapitre verbal, les actions se poursuivent : un tag effaçable qui réactive la phrase « Ride for Estelle », réellement taguée auparavant en mémoire d’une freerideuse décédée au printemps 2016 ; un autre, « Star Light », dessiné sur une bâche. Les photographies affichées sur un mur à la fin de la performance sont également des signes ajoutés à des inscriptions préexistantes sur le site. C’est donc à toute une histoire sous-jacente, dont les couches transpirent, qui a été « nettoyée », à laquelle la performance rend hommage. La musique du bar de l’autre rive, un petit groupe de jeunes écoutant leur propre musique dans une bulle autonome au milieu du public de la performance, le flux de voitures défilant sur le pont, se télescopent dans l’ambiance et l’époque recréées.
Marie-Eve Knoerle

 
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